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Sueurs froides

 

SUEURS FROIDES

 

 

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Parler de « sueurs froides », lors des missions opérationnelles à la MMFL, est un doux euphémisme pour avouer qu'il est arrivé, à chacun d'entre nous, d'avoir eu réellement peur, dans certaines circonstances bien particulières.

 

Lors de mon premier séjour (1977-1980), j'ai un souvenir précis, lors d'une approche, au plus près, de l'objectif Karl-Marx-Stadt (1) 244. Dans les dossiers d'objectifs de la salle OPS Terre, il n'y avait que des photos d'origine USMLM. Les sous-officiers observateurs semblaient dire qu'il n'y avait que les Américains pour réussir de telles photos. Cela avait plutôt le don de m'agacer, même si je ne disais rien, et je me suis mis en situation de le  traiter.

 

J'ai d'abord effectué, sur un intervalle de deux mois, deux premières reconnaissances pour approcher au mieux l'objectif, en profitant de la fin de la nuit, car il y avait deux miradors espacés d'environ 600 mètres, occupés par des sentinelles armées. La première n'a pas été satisfaisante car nous étions mal positionnés pour arriver jusqu'au mur de l'objectif et un peu trop près d'un des miradors.

 

J'y suis donc revenu avec un autre équipage, en cherchant un autre point d'entrée et d'approche du mur : il était à équidistance des deux miradors. Cette approche se faisait tous feux coupés pour la VGL, avec le moteur tournant à un régime le plus bas possible. Nous avons pu faire demi-tour, pour être prêt à repartir. Je suis descendu pour m'assurer que la piste permettait d'accéder au mur rapidement. Il se trouve que j'avais demandé au conducteur de couper le moteur, ce qui était une erreur car le doux ronron d'une Mercédès ne s'entend pratiquement pas ; un redémarrage, bien davantage. Nous sommes ressortis de la zone dangereuse sans problème.

 

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Tête de Karl Marx à Karl Marx Stadt

 

 

Environ, deux mois après – à cause des rotations sur les zones A,B,C entre les missions – j'ai préparé une nouvelle mission sur KMS 244, en choisissant soigneusement l'équipage, observateur et conducteur les plus fiables et calmes possibles. Nous étions au printemps avec un soleil qui se lève plus tôt, ce qui était mieux pour faire les photos. Tout va bien, approche sans difficulté, la VGL a fait demi-tour, moteur tournant et portières déverrouillées côté droit du véhicule. L'observateur et moi allons vers le mur qui dispose d'une marche permettant de passer la tête au-dessus, et lorsque nous le faisons nous découvrons une sentinelle en arme qui – heureusement  pour nous – fait juste demi-tour en s'éloignant du mur. Dans un mouvement réflexe, non concerté, nous baissons la tête : marcher, souffler !  Nous l'avons échappé belle... Après un échange de regards et sans dire un mot, nous nous redressons, la sentinelle est plus loin. Nous pouvons prendre les photos sereinement ou presque. A l’œil, je comprends tout de suite que celles-ci n'apporteront rien au dossier existant !...

 

L'équipage repart, sans encombre, pour poursuivre sa mission le reste de la journée...

  

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Lors de mon second séjour (1984-1988), alors que nous sommes pendant la relève de printemps du contingent soviétique, et que les activités son plutôt réduites, j'ai choisi, entre autres, d'aller faire un objectif non-identifié (N/I) de la NVA ou paramilitaire dont les coordonnées nous ont été fournies dans la zone A, au nord-ouest de la RDA (2). Sur le terrain, pour accéder à cet objectif, on doit finalement emprunter, un chemin ou piste très carrossable qui passe sous une voie ferrée. Je comprends, alors, qu'en cas de problème nous n'aurons pas d'autre solution que de faire demi-tour pour repartir, au plus vite, par la même piste.

 

Puis, très vite, nous arrivons sur l'objectif où les « passions se déchaînent » avec force cris ou hurlements – comme dans les films de la seconde guerre mondiale avec les unités allemandes, Immédiatement, je fais faire demi-tour, un soldat de la NVA vient se placer devant la VGL. J'explique au conducteur qu'il doit avancer tout doucement en poussant sur les jambes, sans le renverser...

 

Un homme en civil que j'avais vu partir, comme un fou, dans un bâtiment, en ressort avec un AK47 dans les mains ; puis il engage un chargeur dans l'arme : je ne regarde donc plus  ce qui se passe devant, et je dis à l'équipage de s'écraser au maximum sur les sièges. Le civil avec l'arme fait la manœuvre de charger, avec le levier d'armement. Le soldat devant la VGL commence à se dégager de devant notre véhicule : peut-être a-t-il peur de prendre une balle perdue, en cas d'ouverture du feu ? Je rappelle encore une fois de s'écraser sur les sièges, et la situation se débloque devant la VGL : la voie est libre pour dégager, au plus vite, de ce piège...

 

 

 

 

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Homme menaçant avec une AK47

 

COMMENTAIRE : Au moment du chargement de l'AK47, comme je suis placé du bon côté, j'ai la quasi-certitude de ne pas avoir vu un déplacement de cartouche du chargeur vers la chambre de tir. Mais je n'ai pas d'autre choix que celui de la sécurité de l'équipage !

 

 

 

Reconnaissance aérienne dans la BCZ, En mars ou avril 1980, j'ai une reco-air à faire le matin, le temps est beau avec du soleil. Nous sommes à bord du Broussard de l'Armée de l'Air pour un circuit classique. Sur la voie ferrée, orientée sud-nord, à hauteur de la gare de Priort, une unité est en cours d'embarquement sur la voie. Nous identifions tout de suite le SA 8, qui est assez récent au GFSA. Pour ne pas être gêné par le soleil, nous nous décalons à l'est de la VF, en volant du sud vers le nord. Je peux prendre les photos avec le Nikkon-moteur, en étant en appui contre la vitre latérale gauche de l'appareil, sachant que je suis en équilibre, posé sur le talon droit. Le pilote du Broussard, qui est de la MMFL regarde aussi sur la gauche de l'appareil.

 

 

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Le Broussard avant un départ en reco-air sur le Tarmac de Tegel

 

Brutalement, le mécanicien hurle dans l'interphone : « alerte collision ». Je n'ai jamais entendu cette expression ; le pilote sans chercher à voir ou à comprendre fait : « en bas, à droite », même si je ne connais pas davantage cette mesure d'urgence. Effectivement, je me retrouve sur les fesses, sur la partie latérale droite du Broussard, tenant toujours le boîtier Nikkon entre les mains... Et je vois défiler au-dessus de mes yeux, un appareil de couleur kaki, sans aucune marque d'identification, qui manifestement n'a pas changé de trajectoire... Le pilote et le mécanicien ne le voient pas puisqu'ils regardent en bas à droite, avant de redresser l'appareil.

 

Sans la vigilance du mécanicien, il est vraisemblable que les Soviétiques auraient trouvé les carcasses des deux appareils, avec 6 ou 7 morts, sur le terrain d'exercice de Dallgow.

 

Nous avons fait savoir à nos amis et alliés américains, notre mécontentement, car ce matin là c'est bien la France qui avait le créneau de vol dans la BCZ. Cela n'interdit pas à un autre appareil allié de voler, mais il doit le faire en restant à un niveau bien supérieur, de l'ordre de 1000 pieds.

 

On peut en déduire, que les Américains ont eu ce jour là une information leur indiquant le chargement d'une unité sur cette VF. Ils ont choisi de voler Nord-Sud, toujours à l'Est de la VF, compte-tenu du soleil. Et comme ils prennent des photos, il se retrouvent à la même altitude, et distance de la voie ferrée que nous, sans même assurer leur sécurité !

 

Pour être honnête, force est de reconnaître que nous n'avons même pas eu le temps d'avoir des sueurs froides lors de cet incident ! Mais heureux de retrouver le plancher des vaches...

 

Enfin, sachant que cet appareil était celui de la CIA, nous n'avons jamais eu une simple explcation sur cette entorse délibérée aux règles ni, a fortiori, la moindre excuse du Gouvernement militaire du Secteur américain de Berlin. 

 

 

 

Francis DEMAY

 

 

 

  1. Karl-Marx-Stadt a repris son ancien nom de CHEMNITZ, après la réunification.

  2. De mémoire, cet objectif devait se situer entre les ZIP de Hagenow, Boizenburg et Lübtheen.

 



01/10/2019
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