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Champs de tirs Air-Sol en RDA..., palpitations d'aviateurs et souvenirs...

Champs de tirs Air-Sol en RDA...palpitations d'aviateurs....souvenirs...

 

 

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 SU 25

 

 

Comme je l’ai écrit dans mes deux articles précédents la surveillance des activités aériennes à proximité des aérodromes de l'ex-Allemagne de l'Est (R.D.A) était un exercice délicat et à risques. Celle autour des principaux champs de tirs à "vocation Air" l'était tout autant et nécessitait les mêmes précautions à prendre de la part des équipages "Air" des trois Missions ainsi qu'un même jeu subtil avec le tracé des ZIP (Zone Interdite Permanente).

 

Trois noms résonnent certainement encore dans la mémoire notamment des équipages “Air” : Gadow-Rossow... Retzow... Belgern... Trois champs de tir Air-sol (AS) utilisés non seulement par des aéronefs stationnés en RDA mais parfois par des unités aériennes en provenance d'URSS voire d'autres pays du Pacte de Varsovie.

Sur ces polygones de tirs tous types d'armements pouvaient y être observés, comme écrit précédemment, dans des conditions dangereuses et délicates. 

 

Sur l'immense polygone de Gadow-Rossow tout était " tiré " par les aéronefs : canons internes et externes (embarqués en pod), roquettes (du calibre classique à l'énorme roquette de 240mm embarquée en container sous voilure) et bombes. Armements guidés ou non.

A Retzow, polygone plus restreint était tiré principalement du canon. Il fut intensément utilisé par les hélicoptères MI 24 (HIND) dès leur déploiement en RDA. Les observations pouvaient y être réalisées de façon "rapprochée"... que du bonheur... mais …

 

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Polygone de Gadow-Rossow  Tir Mig 27

 

À Belgern était également observé du tir canon ou du simulacre de passes de bombardement. L'observation de ce polygone était intéressante car sa topographie permettait une bonne description de quasiment toute la cinématique des passes et manœuvres. Elle permettait aussi de mesurer précisément la durée des séquences de tirs et l'observation de moments particuliers comme par exemple celui des éjections des douilles des canons.

 

Ces descriptions précises réalisées par les équipages Air de la MMFL nécessitaient de la part de ces derniers une très bonne culture aéronautique et un sens profond des restitutions des trajectographies. Ces observations étaient riches d'enseignements. Elles étaient très prisées tant par le 2ème Bureau de la FATAC chargé de l'exploitation du renseignement Air à caractère tactique et d'infrastructures au niveau de la ZSA (Zone Satellite Avancée qui réunissait notamment: RDA, Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie ) que par le 2ème Bureau de l'EMAA. Ce dernier chargé du suivi technique des aéronefs et armements était avide de détections de nouvelles procédures ou de modifications de celles connues et répertoriées afin de déceler des modifications tant dans les armements que dans les systèmes de conduite de tirs des aéronefs. Bien évidemment l'observation de nouveaux armements était pour lui "la cerise sur le gâteau".

 

Gadow-Rossow avec notamment ses tirs de missiles étaient une cible prisée par les équipages Air. Souvent des "premières" y étaient réalisées. "Une Première" observation dans tous les domaines Terre ou Air, dans le domaine tactique ou technique, était tant pour l'équipage qui l'avait réalisé que pour la Mission à laquelle il appartenait un moment de fierté. Sur ces polygones de tirs, ces deux types de "Première" pouvaient arriver. 

 

Sur ce polygone de Gadow-Rossow il y eut plusieurs nouveaux types d'armements observés et les derniers dont j'ai souvenir lors de mon deuxième séjour furent le missile "AS 14" et la roquette air-sol de 240mm. Au niveau tactique il y eu notamment en 1967 (par USMLM) et 1970 (notamment par la MMFL, lors de mon premier séjour), le largage en "LABS" (bombardement en ressource et à basse altitude) par des "SU7 Fitter"  (1)de bombes d'exercices qui simulaient, après explosion un champignon de fumée donnant l'impression d'une explosion nucléaire. Cette manœuvre consistait à une arrivée à plat de l'avion qui effectuait ensuite une ressource quasi-verticale, larguait sa bombe, terminait sa boucle, effectuait un retournement et repartait à plat dans le sens de son arrivée à grande vitesse et à basse altitude. Nous pouvions parfois observer des avions réaliser ce type de manœuvres à la verticale de leur terrain de stationnement, bien évidemment sans armement.

 

Nous apprîmes plus tard que la charge de ces bombes d'exercices dites (bombe with air bust) étaient composée d'explosifs, de kérosène et de phosphore et qu'à cette époque (fin 60-début 70) pour effectuer ces tirs particuliers les avions étaient dotés au niveau de leur conduite de tir d'un dispositif particulier (le système PKP me semble-t-il) permettant les largages en "tangage" et dont à nos connaissances de l'époque, seuls les "Fitter" soviétiques en étaient équipés.

 

À Retzow, en plus des tirs canons, furent observés à très faibles distance (ce qui permit la réalisation de remarquables photos de détails) les équipements de protection des " MI24 Hind" et notamment sa protection contre les missiles sol-air de très courte portée (SATCP) à guidage infrarouge. Ce dispositif consistait en la présence d'un phare-brouilleur infrarouge sur le fuselage à l'arrière des turbines et de boitiers lance-leurres sous la poutre de queue. Parfois des cinématiques de lancement des leurres furent observées, avant-pendant et après les tirs.

 

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Vue aérienne du champ de tir de Retzow - qui comprenait quelques épaves d'avions - était situé juste au sud (côté gauche de cette image) d'un ancien aérodrome de réserve en herbe. Le champ de manœuvre de Redlin se trouvait dans le prolongement de la piste au sud-ouest. https://www.16va.be/

 

 À Belgern des observations intrigantes furent réalisées comme les premiers tirs avec pod-canons par des MIG 27 volant à plat et les tubes des armes orientés vers le bas. En effet avec ce type de pod les tirs pouvaient s'effectuer soit tubes à plat soit tubes baissés. Y furent également observés des avions avec le pod "monté" à l'envers, tubes vers l'arrière. Ce montage surprenant permettait aux avions, après une passe de tir en "piqué" et lors de leurs "ressources", d'obliger les servants des armements Sol-Air à rester protégés plus longtemps.

 

Dans le domaine tactique furent ainsi observés en RDA bien des éléments avant qu'ils ne le soient en Afghanistan.

 

Parfois, notamment à Retzow , nous réalisions hors jour de tirs, des missions spécifiques dites de "pénétrations" afin de tenter de récupérer des éléments d'armements. Une préparation rigoureuse et une prudence extrême s'imposaient car ces polygones étaient gardiennés en permanence.

 

L'observation des activités aériennes sur ces polygones de tirs nécessitait une mise en place rigoureuse dans le domaine de la sécurité et un choix judicieux dans le choix des PO (point d’observation) en fonction des types de tirs à relever. Parfois il fallait être au plus près possible, parfois plus loin afin d'observer l'armement avant tir. La chance jouait beaucoup. Tous changements de PO en cours d'observation réduisaient notablement le facteur sécurité d'autant que si l'équipage avait été localisé dans le secteur il était relativement aisé pour les suiveurs de réduire la zone de leurs recherches. 

 

Les "mises en place" de nuit s'effectuaient toujours avec les mêmes mesures de sécurité, notamment : "position préalable d'attente", "coups de sécurité", effacement des traces, camouflage.

 

Pour les équipages le travail d'observation était ardu car il fallait tout observer tout photographier et tout noter car le moindre détail pouvait s'avérer majeur. Cela demandait aussi un échange verbal entre les membres de l'équipage afin d'assurer en temps réel une bonne description des cinématiques de passes de tirs ou de largage et de relever tous éléments techniques comme les temps de propulsion de certains armements. Parfois plusieurs aéronefs tournaient et étaient engagés en même temps. Cet ensemble de bruits assourdissants, de chuchotements entre nous et une attention extrême portée à l'observation, nous rendaient encore plus vulnérables. Nos capacités de réactions étaient également tendues à l'extrême car nous devions avoir une capacité de fuite quasi-instantanée. Dans de nombreux cas des "départs en urgence" furent périlleux et "plus que chauds" afin d'échapper, aux derniers moments, aux embuscades tendues. Souvent les carrosseries de nos VGL (Véhicule de Grande Liaison) en portaient les "marques" donnant ainsi à nos mécanos, lors de nos retours, un dur travail de "remise en forme". Merci à eux pour leur travail discret, efficace, leur ingéniosité et leur disponibilité H24.

 

Moments difficiles, délicats, ardus, dangereux mais oh! combien captivants et passionnants pour nous Aviateurs que ces observations. Cela demandait une osmose parfaite de l'équipage, cela le soudait et le rendait très humble car comme l'écrivait Francis D, un camarade et ami "Terre», dans un article récent du Blog....parfois... que de sueurs froides. Lors des séances d'activités de nuit que de frissons...dont le froid n'était pas responsable...

 

 

Au retour de ce type de mission, un moment difficile et long restait à faire pour l'Observateur en charge de la rédaction de la NR (Note de Renseignement) … Le collationnement auprès de son collègue Observateur et du Chef d'équipage de leurs infos relevées, l'exploitation des photographies prises et leur sélection..... puis la rédaction. La restitution quasi-minutée d'une cinématique d'une passe de tir ou de bombardement, en réaliser parfois des croquis, n'était pas chose aisée. Heureusement là aussi le travail d'équipe jouait. N'oublions pas également là-haut, dans leur labo, le travail des photographes.....

 

 

 

Comme l'écrit le Général Manificat dans l'un de ses articles du blog, " le Sous-Officier Observateur Terre" était un véritable " Chef d'orchestre". Je complète ses propos en affirmant que le "Sous-Officier Observateur Air», avec toutes ses connaissances spécifiques "Air" complètant ses importantes connaissances "Terre", méritait largement lui aussi ce brillant qualificatif. 

 

La transmission du savoir-faire tant "terrain" que de "restitution" était aussi un devoir de la part des anciens, sous-officiers ou officiers. Pour ma part, jeune sous-officier j'ai eu des "formateurs-tuteurs Air" remarquables: les Sergents-Chef H et L "dit JoJo", l'Adjudant-Chef L et les Commandants H et CZ qui devinrent par la suite Chef des Opérations Air puis Chef de la Mission. Cette stricte formation m'aura été utile durant toute ma carrière. Merci à eux. Lors de mon deuxième séjour comme officier et Chef d'équipage je me suis à mon tour investi à fond dans ce travail de formation au profit des "Nouveaux".

 

Que ce métier de "Missionnaire" était fantastiquement passionnant et que cette affectation à la MMFL a marqué nos vies. Merci à elle, tout comme un immense merci à tous ceux qui ont partagés ces moments de vie avec moi.

 

A bientôt peut-être pour d'autres souvenirs.....

 

 

 

Jacques Suspène

 

(1) LABS à Gadow- Rossow  (cliquer sur le lien) 

 

 

 Mise en page et illustrations:  R.Pi

 

 



01/10/2019
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