BRIXMIS: Mission britannique de Potsdam, une histoire passionnante. (suite2)
HISTORIQUE DE BRIXMIS (3ème partie)
Nous poursuivons la publication de l’historique de BRIXMIS avec cette 3ème partie qui comporte plusieurs chapitres :
- La formation des équipages des trois missions avant leur affectation. Il s’agit en fait de la formation des équipages de BRIXMIS, USMLM ayant eu une filière propre, et la MMFL n’ayant eu aucune formation spécifique jusqu’en 1985 ! Tirant les leçons de l’incident Mariotti, elle s’abonna alors à divers cours existants, dont le cours d’Ashford de BRIXMIS suivi par quelques personnels anglophones, avant de mettre sur pied sa propre formation à l’EIREL.
- L'environnement opérationnel, qui décrit les forces soviétiques, la NVA et les paramilitaires, ainsi que les moyens de surveillance dédiés (Stasi et spetsnaz) ou non (Vopos).
- Les contraintes opérationnelles, à savoir les zones interdites et les pancartes.
- La coordination et la coopération entre les trois missions alliées, chapitre qui décrit notamment le système de rotation entre les zones dévolues à chaque mission.
Rappelons enfin que ces textes et leur traduction, ainsi que les photos et autres illustrations, sont la propriété de l’Amicale de BRIXMIS, et d’Arnaud Piétrini pour la traduction. Ils acceptent de nous les confier, et nous les en remercions vivement. Une éventuelle autorisation de diffusion secondaire est donc à leur demander par l’intermédiaire de l’administrateur de ce blog.
La rédaction (J.P S)
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LA FORMATION DES EQUIPAGES DES TROIS MISSIONS AVANT LEUR AFFECTATION
La plupart des officiers subalternes étaient formés en tant qu'interprètes russes et / ou allemands avant d'être affectés à la mission. Dans le cas des officiers de l'armée de Terre, durant les années 1970 et 1980, ces cours ont eu lieu à l'École de langues de l'armée à Beaconsfield, où des diplomates britanniques et japonais étaient étudiants aux côtés de leurs collègues de l'armée.
Tout le personnel, qu'il s'agisse de l'Armée de Terre ou de la RAF, qui étaient affectés à BRIXMIS en tant que membres d’équipage à temps plein ou à temps partiel, était obligé de suivre le cours de renseignement spécial à l'École du Renseignement d'Ashford, dans le Kent.
Ce cours de 4 semaines devait être suivi par tout le personnel, du général de brigade (chef de BRIXMIS) aux caporaux conducteurs, afin d’identifier pratiquement tous les équipements, véhicules et avions militaires susceptibles d'être vus en Allemagne de l'Est, ainsi que toutes leurs variantes.
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Tout le personnel a également reçu une instruction photo pour, de jour comme de nuit, prendre des photographies avec des objectifs jusqu'à
L'exercice final était mené à travers une vaste zone centrée sur la plaine de Salisbury, avec des zones fictives à restriction permanente (ZIP) et tous les élèves étaient soumis à des « détentions d'exercice » dans des situations étonnamment réalistes.
Cette formation qui concernait tous les grades a mis l'accent sur l’esprit d’équipe grâce auquel tous les membres d'un équipage comprenaient les tâches de chacun et faisaient que, même dans des situations extrêmement difficiles, le travail pouvait être accompli. Ce même cours a été suivi par des membres des missions militaires française et américaine, puisque leur nombre relativement faible de personnel effectuant des sorties ne justifiait pas la mise en place de leurs propres systèmes de formation.
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L'ENVIRONNEMENT OPÉRATIONNEL
L'Allemagne de l'Est, y compris Berlin-Est, représentait environ 80% de la superficie de l'Angleterre et comptait environ 16 millions d'habitants. C'était un camp armé, abritant l'avant-garde de l'armée soviétique face à l'OTAN le long de la frontière inter-allemande avec l'Allemagne de l'Ouest, et c'était au milieu de cette concentration de forces qu’opéraient à un haut niveau de préparation BRIXMIS, la MMFL et USMLM.
Les quelques 380 000 membres du Groupe des forces soviétiques en Allemagne (GFSA) étaient hébergés dans 777 casernes (la plupart d’anciennes de la Wehrmacht) dans 276 endroits différents et utilisaient 47 aérodromes et 116 zones d'entraînement. Le GFSA commandait trois armées blindées (1ère de la Garde, 2ème de la Garde et 3ème de choc), deux Armées de fusiliers motorisées (8ème de la Garde et 20ème de la Garde), la 16ème Armée aérienne et des éléments organiques du niveau Front.
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Les formations du GFSA étaient équipées de manière impressionnante avec environ 7 000 chars et des milliers de véhicules blindés et de pièces d'artillerie, tous soutenus par les quelque 700 chasseurs et bombardiers de la 16ème Armée aérienne, près de 700 hélicoptères et 180 systèmes de missiles sol-air fixes et mobiles. Il y avait une infrastructure de communication étendue, à la fois statique et mobile (y compris un réseau souterrain) et une forte capacité en contre-mesures électroniques.
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L'Armée populaire nationale d'Allemagne de l'Est (NVA) n'avait pas un rôle de fer de lance en première ligne ; il n'y avait, par exemple, aucun aérodrome dans la zone avancée de l'Allemagne de l'Est face à l'OTAN. La NVA comptait environ 120 000 hommes répartis en deux divisions de chars, quatre divisions de fusiliers motorisés, deux brigades de missiles sol-sol, dix régiments d'artillerie, un régiment antiaérien, huit régiments de défense aérienne, deux bataillons antichars, plus d'autres unités de soutien, et était équipée presque exclusivement de matériels soviétiques.
L'Allemagne de l'Est était un Etat policier, avec un régime qui contrôlait et faisait des rapports sur la vie quotidienne de tous ses citoyens, même ses écoliers. Quelque 3 000 officiers et sous-officiers donnaient une formation à la défense civile à tous les hommes âgés de 16 à 65 ans. La Milice ouvrière (Kampfgruppen) était une force paramilitaire de plus de 500 000 hommes. La police (VOPO) comptait environ 12 000 policiers, complétée par plus de 8 500 policiers des transports (Transportpolizei ou TRAPO).
Le ministère de la Sécurité de l'État («la Stasi») comptait environ 100 000 membres à temps plein (considérablement plus que la Gestapo nazie) avec peut-être 150 000 informateurs civils répertoriés. Sa VIIIème division principale (HA VIII) se concentrait spécifiquement sur la surveillance, l'analyse et la perturbation des activités des MMAL sur le terrain en RDA.
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Les Missions alliées étaient régulièrement confrontées à des activités anti-mission menées principalement par la «Stasi», mais en relation avec la VOPO.
Bien que la surveillance Stasi ait été souvent visible, parfois délibérément pour susciter un sentiment de malaise parmi les équipages, les archives du MfS contiennent de nombreuses images qui montrent avec quelle facilité les membres de l'équipe pouvaient être observés alors qu'ils étaient occupés à observer des activités militaires.
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La surveillance discrète de la «Stasi» et les efforts ouverts pour gêner les équipages avaient tendance à se renforcer à proximité des installations sensibles de l'Allemagne de l'Est (par opposition aux installations soviétiques).
Une opposition militaire soviétique déterminée était à attendre près de n’importe lequel de leurs activités ou site ; certaines étaient clairement le résultat d'une initiative individuelle d'officiers ou de soldats soviétiques, mais d'autres incidents portaient la marque d'opérations délibérées et organisées. Les soldats soviétiques et de la NVA en exercice, ainsi que leurs sentinelles dans les installations, avaient toujours des chargeurs de munitions réelles sur leurs armes et devaient répondre à l'intrusion des Missions alliées en tirant sur les équipages sans aucun avertissement préalable ou coup de semonce.
Au début des années 1970, la Mission commença à identifier la présence de «Spetsnaz» (forces spéciales) soviétiques dans des opérations de surveillance rapprochée et, au début des années 1980, le GFSA avait introduit des unités de blocage anti-mission «Spetsnaz» qui consistait à perturber l'observation des activités des aérodromes militaires et des activités air-sol. De plus amples informations sur la campagne «Stasi» d'opérations d’entrave contre les Missions alliées, qui ont conduit à trois morts (deux «Stasi» et un MMFL) sont disponibles à l'annexe C.
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Ainsi, l'Allemagne de l'Est était potentiellement une zone d’action très intéressant pour les opérations de collecte de renseignements de la Mission, mais due à la surveillance secrète et aux activités ouvertes d’entrave de la «Stasi», des VOPO et de leurs alliés soviétiques, ces opérations présentaient de vrais défis et des niveaux de risque imprévisibles pour les équipages de BRIXMIS. Les mouvements se devaient d’être discrets, appelant souvent à des tactiques d'évasion agressives et un sens aigu du terrain.
De plus, les hivers pouvaient être rudes avec de la neige et des températures jusqu'à
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LES CONTRAINTES OPERATIONNELLES
Sans surprise, les autorités soviétiques et leurs alliés est-allemands étaient déterminés à restreindre les activités opérationnelles des Missions par des méthodes administratives, bien que leurs possibilités de le faire aient été limitées par la position réciproque des trois MML soviétiques dans les anciennes zones d'occupation occidentales. Par exemple, si les membres des Missions alliées étaient traités violemment en Allemagne de l'Est, il y avait un risque qu'un sort similaire puisse s'abattre sur leurs homologues soviétiques en Allemagne de l'Ouest.
En conséquence, en dépit du libellé très imprécis de l’accord Robertson-Malinine et des accords américano-soviétiques et franco-soviétiques similaires qui enjoignaient simplement aux Missions de « maintenir la liaison », sans définir ce que « liaison » signifiait, la liberté de manœuvre des Missions alliées était limitées par plusieurs mesures.
La première d'entre elles était l'imposition de zones d’interdiction permanente (ZIP) qui, à la fin des années 1970 et 1980, classaient généralement un tiers de l'Allemagne de l'Est hors des limites des MMAL ; un pourcentage identique de l'Allemagne de l'Ouest a été interdit à titre de réciprocité aux MLM soviétiques basés à Bünde, Francfort et Baden-Baden. N'importe quel membre de MLM attrapé dans une ZIP pouvait s'attendre à être déclaré persona non grata.
La cartographie des ZIP a été modifiée tous les trois ou quatre ans au cours des années 1970 et 1980, chaque fois que le PC du GFSA choisissait de publier une nouvelle carte. Les zones en jaune marquaient le terrain « interdit ». Les ZIP peuvent couvrir des casernes, des sites de stockage et des terrains d’exercice importants, mais certaines semblent être conçues simplement pour canaliser les Missions alliées, afin de rendre leur surveillance moins difficile.
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Ces deux cartes illustrent comment les ZIP (ici en rose) ont changé au fil des ans :
En plus des ZIP, les Soviétiques notifiaient parfois aux Missions alliées qu'une zone particulière était désignée comme Zone d’interdiction temporaire (ZIT) et étaient donc considérée comme étant « interdite » à BRIXMIS et aux autres Missions alliées pendant une période déterminée.
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En complément des ZIP et des ZIT, il y avait d'innombrables pancartes anti-mission que les Soviétiques et, plus particulièrement les Allemands de l'Est érigeaient autour d'installations sensibles afin d'en interdire (prétendument) l'accès aux Missions alliées. «L'intrusion derrière pancartes» a toujours été utilisée par les Soviétiques et les autorités de l'Allemagne de l'Est comme une excuse pour essayer de «retenir» (arrêter) les Missions, mais les MMAL ont toujours insisté sur le fait qu'il n'y avait aucune mention de pancartes dans l’accord Robertson-Malinine et les accords similaires, les pancartes n'avaient donc aucun statut et n'avaient donc pas besoin d'être respectées par les équipages.
Dans la seconde moitié des années 1980, suite à l'assassinat d'un officier d'USMLM par une sentinelle soviétique, les autorités soviétiques ont également délivré à leurs troupes des cartes d’observation de Missions à l’instar de celles remises aux militaires alliés en Allemagne de l'Ouest, encourageant à signaler les observations des voitures des Missions au lieu d'essayer de les retenir par l'usage de la violence.
La liaison traditionnelle de haut niveau, permettant une communication rapide et précise entre les commandants en chef demeurait la tâche prioritaire du chef de BRIXMIS, mais avec le temps, le rôle de « collecte de renseignements » était devenu la principale mission quotidienne de ses subordonnés.
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En dépit des restrictions à la liberté de mouvement des MMAL, il était possible de mener des opérations de patrouille très réussies sans avoir mis en péril le statut de la Mission auprès de ses hôtes soviétiques.
« LES REGLES DU JEU » |
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« La Mission doit respecter les règles du jeu et ne pas violer les zones interdites. Toutefois, elle a un travail d’observation à faire et si elle le fait avec un sens tactique, avec tact et avec de bonnes manières, elle observera toujours les règles. » |
Bien que les méthodes opératoires de BRIXMIS aient pu être à l'époque un secret bien gardé envers les autres membres de la communauté militaire britannique à Berlin et ailleurs, le travail réel de la Mission était évident pour le commandant en chef du GFSA et son état-major. La déclaration de 1969 du général d’armée Koshevoy (ci-dessus) confirme que les Soviétiques comprenaient parfaitement ce que faisaient les MMAL. Ses remarques ont été réitérées en 1982 lorsque, le général d'armée Zaïtsev, commandant du GFSA, a rencontré le chef de BRIXMIS.
En effet, les Soviétiques voyaient un certain avantage, lors des moments de tensions, comme lors du soulèvement hongrois en 1956, de l'intervention en Tchécoslovaquie en 1968 et de la crise polonaise au début des années 1980, à autoriser les MMAL à « un suivi permissif » des activités militaires soviétiques et de celles de la NVA afin de rassurer les dirigeants occidentaux sur les véritables intentions et actions des politiques du Kremlin.
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COORDINATION ET COOPERATION ENTRE LES TROIS MISSIONS ALLIÉES
Bien que chacun des trois membres occidentaux du Conseil de contrôle allié ait conclu ses propres accords bilatéraux avec le commandement en chef soviétique en Allemagne, une collaboration et une coordination très étroite des opérations s’est mise en place entre eux afin de tirer le meilleur parti des opportunités uniques de collecte de renseignements que le territoire de la zone d’occupation soviétique puis de la RDA offrait et le plus grand partage possible de la collecte du renseignement effectuée par les équipages.
À la fin des années 1970, les trois chefs de mission (général de brigade de l'armée de Terre de BRIXMIS, colonel spécialiste du renseignement militaire de l'armée de Terre de l'USMLM, colonel spécialiste du renseignement de l'armée de l'air de la MMFL) se réunissaient tous les mois pour discuter de la politique de patrouille et échanger leurs points de vue.
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Leurs chefs des opérations Terre et Air se rencontraient chaque semaine pour affiner la division du travail et mettre en lumière les opportunités actuelles et les résultats acquis. Le résultat fut une coordination remarquablement réussie, même si la France n'était pas membre de la communauté du renseignement des «Cinq Yeux».[1]
Pour minimiser les lacunes ou les chevauchements de la couverture du terrain, les Missions alliées ont divisé l'Allemagne de l'Est en quatre zones de « surveillance » (Local, A, B et C). Les trois Missions tournaient par rotation toutes les 24h 00 dans la zone du Local.
Toutes les deux à trois semaines, les MMAL tournaient dans le sens des aiguilles d'une montre dans les zones A, C et B. Cela permettait à tous les équipages de se familiariser à un et de devenir experts à un haut degré avec la situation dans toute la RDA (à l'exception des ZIP).
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A découvrir aussi
- La Propagande en RDA.
- Le soldat est-allemand et le missionnaire.
- Les "Incidents" à l'encontre des Missions de Potsdam ( MMFL - USMLM - BRIXMIS)
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