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De l'usage des Autoroutes et bacs en RDA par la MMFL

 

Après une courte interruption estivale,  les lecteurs apprécieront deux articles courts  qui lèvent un peu  le voile sur la complexité technique de nos déplacements en RDA.

 

 

 

L’utilisation avisée des autoroutes et des bacs n’était qu’une partie infime de l’expérience que devaient acquérir les observateurs et les chefs d’équipage de la MMFL pour « aller au contact ».  Se déplacer vite, loin, souvent de nuit puis surgir sur l'objectif au petit matin ou bien franchir l’Elbe à l’endroit le plus stratégique afin de se faire oublier  et observer au plus près les manœuvres de franchissement des unités soviétiques ou de la NVA, cela faisait partie de ce métier si particulier que seuls ceux qui l’ont vécu peuvent apprécier l’importance et la valeur. L’adrénaline, je vous l'assure, était souvent au rendez-vous.

Bonne lecture.   (R.Pi).

 

 

 

 

 

 

Du bon usage des autoroutes de RDA

 

 

Par Patrick Manificat 

 

 

Suivons le guide touristique de la RDA édité en 1973. Il ne s’embarrasse pas vraiment de détails (ni de complexes) du côté du réseau routier est-allemand (en réalité très restreint) :

 

« Les principales routes sont les célèbres Autobahnen (autoroutes) héritées du Troisième Reich dont le réseau, modernisé et complété, rivalise avec celui de la RFA et fait l’admiration des automobilistes français. Mais à l’exception de la branche Berlin-Stettin, il ne s’étend pas au nord de la capitale : les liaisons avec les ports de la Baltique se font par des routes encore récemment étroites, mais maintenant refaites. Une autoroute Berlin-Rostock est en projet et elle s’impose. »

 

 

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La MMFL n’a pas attendu l’achèvement de cette dernière – financée d’ailleurs par la RFA – pour exploiter le réseau autoroutier tel qu’il existait au tout début des années 70. Elle disposait de la cartographie nécessaire (Verkehrskarte der DDR en 9 feuilles au 1/200 000e, cartes britanniques des ZIP, cartes touristiques, plans directeurs etc.), mais pas toujours suffisante. Surchargées de renseignements complémentaires rajoutés au fil de l’expérience acquise, la plupart des cartes facilitaient surtout l’approche des objectifs. Elles remplissaient parfaitement leur office.

 

Mais les autoroutes jouaient pour les missionnaires un rôle particulier avec de multiples fonctions. Les VGL, puissantes et rapides, devaient pouvoir les utiliser à leur plus grand profit pour parvenir le plus vite possible « à pied d’œuvre », pour semer leurs poursuivants, pour changer de zone  sans délai, pour accéder à un objectif, pour faire demi-tour ou pour quitter l’autoroute sans attendre un échangeur, pour se camoufler sur une aire de repos ou pour se ravitailler en essence, sans parler de la surveillance périodique des portions d’autoroute aménagées en aérodromes secondaires (une dizaine au total).

 

Tels furent les buts fixés pour la réalisation des dossiers d’autoroute. Trois virent le jour : « Ceinture de Berlin », « Helmstedt » et « Dresde ». Chacun de ces dossiers fut tiré en avril 1970 à une trentaine d’exemplaires. Les destinataires étaient les mêmes que ceux de la fameuse NR (Note de Renseignement). Par bonheur, un exemplaire de chaque dossier a survécu à la déchiqueteuse.

 

 

 

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D’un format légèrement supérieur au A4 (32 x 22,5 cm), les dossiers étaient de lecture facile afin d’être exploités à la vitesse de croisière de la VGL. Les bornes kilométriques apparaissaient nettement ainsi que les vrais échangeurs, les fausses sorties, les portions d’autoroute où les bandes centrales étaient impossibles à traverser, les possibilités de camouflage, les stations Minol etc. Une sorte de « Roadboock » en somme, comme ceux utilisés dans les rallyes, à l’usage de l’observateur ou du chef d’équipage. Quelques photographies enfin complétaient ces indications.

 

L’absence de séparation centrale et de grillages latéraux permettait en effet des changements de direction inopinés et des « disparitions » soudaines et providentielles, au grand dam de nos suiveurs de la Stasi ou de la Volkspolizei.

 

Comme toute innovation « gauloise », l’usage de ces dossiers s’espaça peu à peu avant de disparaître. Leur bien-fondé n’était pas en cause. Mais la majorité des observateurs avait fini par connaître par cœur la plupart des fausses sorties et l’expérience acquise leur permettait de se passer de cette aide, pourtant très pédagogique et mûrement mise au point.

 

 

 

Patrick Manificat.

 

 

 

 

 

Les Bacs ou les passeurs de la MMFL

 

 

 

                                                         

Au cours de leurs reconnaissances, les missionnaires se heurtaient à une difficulté supplémentaire : le franchissement de l’Elbe ou de l’un de ses affluents.

 

 

Née à 1.400 m d’altitude dans les monts Géants de Bohème, l’Elbe pénètre au coin sud-est de la RDA par un étroit canyon à travers l’Erzgebirge, traverse en sinuant la Suisse saxonne avant de s’épanouir dans le bassin de Dresde. Après Meissen, seuil de la grande plaine du Nord, elle hésite un peu dans son parcours avant de se décider pour la direction du nord-ouest. Et c’est avec le renfort de la Saale, un renfort de 100 m3 par seconde, qu’elle arrose Magdebourg, atteignant dans cette ville une largeur de près de 200 m. Elle se dirige alors plein nord et, après avoir accueilli la Havel (80 m3/seconde supplémentaires), elle renonce à la mer Baltique pour lui préférer la mer du Nord et l’estuaire de Hambourg. Elle a parcouru, en parvenant au port, près de 1 200 km et son débit est alors de 700 m3/seconde, c’est-à-dire le double de celui qu’elle avait à Dresde et l’équivalent de celui du Danube.

 

Fleuve majestueux, aussi sensible au froid qu’au réchauffement, l’Elbe avait et a toujours plusieurs visages que les missionnaires ont eu tout le loisir de contempler : tour à tour rivière tranquille au milieu de paysages romantiques, puis banquise, à la fois figée et mobile, et enfin fleuve inquiétant, gonflé par les pluies de printemps et maintenu à grand peine dans l’étau de ses digues. En été comme en automne, tous ces cours d’eau redeviennent calmes et paisibles, mais un autre obstacle apparaît, c’est le très petit nombre de ponts qui les enjambent et que l’on pouvait compter sur les doigts des deux mains. Qu’il s’agisse de vestiges de la dernière guerre ou d’une volonté bien arrêtée d’entraver la marche des envahisseurs lors de la prochaine, l’adversaire éventuel, peu désireux de se pénaliser lui-même, en avait tiré toutes les conclusions : ses moyens de franchissement étaient considérables et stockés au plus près des coupures. Quant à ses armées blindées, elles étaient déjà déployées à l’ouest de l’Elbe.

 

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Ainsi, la rareté des ponts et les délimitations perverses des zones interdites permanentes édictées par les Soviétiques imposaient souvent le passage de l’Elbe par un bac qui présentait bien des inconvénients : attente à l’embarcadère, lenteur de la traversée, horaires limités aux heures du jour, interruptions dues aux crues ou à la sécheresse, dénonciation au Vopo ou au correspondant local du MfS par le passeur,  permettant aux « suiveurs » de recaler leur traque.

 

Mais le bac ne manquait pas de charme non plus : la quiétude des petites routes  pavées débouchant sur les rampes d’accès au bord de l’eau, le paisible cérémonial de l’embarquement, les manœuvres du passeur déhalant son embarcation, le calme de la traversée et le bruissement de l’eau le long du bac se déplaçant comme un pendule au bout du câble ancré en amont. Ce mode de franchissement d’un cours d’eau était extrêmement évocateur de l’ambiance de la RDA, tant il est vrai qu’aucun pays d’Europe occidentale ne présentait cette particularité de disposer d’autant de bacs, pour la plupart parfaitement écologiques car mus par la seule force du courant.

 

Comme les paysans, les équipages des Missions avaient recours à ce moyen de transbordement ancestral qui avait fait depuis longtemps la preuve de son efficacité, à défaut de sa rapidité : le bac des passeurs, un moyen sûr et économique pour passer d’une rive à l’autre, le fameux « Fähre ». Il n’était plus à voile, il fut encore à vapeur comme en ont connu les missionnaires les plus anciens, il était ensuite devenu sans moteur. La traversée s’annonçait généralement tranquille, même si l’on naviguait « derrière pancarte » ! On pouvait alors se contenter de contempler le paysage ou bien, avec un peu et même beaucoup de chance, assister aux premières loges à un exercice de franchissement qui se déroulait pratiquement sous vos yeux.

 

Tous les bacs que pouvaient emprunter les équipages, avaient été systématiquement reconnus et inventoriés. Chacun d’eux faisait l’objet d’un petit dossier, constitué à la MMFL dans la deuxième moitié des années 60, donnant toutes les informations utiles aux équipages pour la préparation de leur mission. La MMFL avait réalisé un dossier pour chacun des points de passage suivants :

 

Sur l’Elbe,  les bacs d’Aken, de Barby, de Belgern, de Birkwitz, de Breitenhagen, de Coswig, de Dommitzsch, d’Elster, de Mühlberg, de Pilnitz, de Pretzsch, de Rabel ,  de Sachau, de Sandau, de Werben.

Sur la Saale, les bacs de Brachwitz, de Gross Rosenburg, de Rothenburg, de Wettin.

Sur la Havel, les bacs de Kaputh, de Ketzin, de Quitzöbel.

Sur la Peene, le bac de Verchen.

 

 

 

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D’une lecture très simple, chaque dossier comprenait seulement deux pages contenant un extrait de carte au 1/25.000e, quelques photographies du site, du bac et du passeur, ainsi que les informations nécessaires concernant les :

 

Coordonnées du site, les horaires du bac en été et en hiver, le prix de la traversée pour la VGL et les passagers,  les conditions particulières, les périodes de fonctionnement, crues, glaces etc. et les indications de sécurité : pancartes anti-missions, état de la route et des rampes d’accès.

 

Patrick Manificat.

 

 



24/02/2020
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