MES RECO-AIR
MES RECO-AIR A LA MISSION MILITAIRE FRANCAISE DE LIAISON
PRES LE HAUT COMMANDEMENT SOVIETIQUE
EN ALLEMAGNE
Par Denis BRISTIEL N° RA 303/V/MMFL
S.P. 69026, le 18 juin 1988
Extraits de mon carnet « souvenirs » (à défaut de Cahier d’ordres !) :
RA N° 303/V du 18 juin 1988
Durée : 1h10
5 Films
Evénement marquant : chassé par un FOXBAT sur BERNAU, puis photographié par un MI 2 HOP
Mes reconnaissances aériennes : Pourquoi j’en ai fait beaucoup ? :
La coutume, me dit-on, lors de mon arrivée en 1986, est que, pour « alléger » la charge de travail des sous-officiers, les 3 officiers de l’armée de terre (2 plus le chef ops) assurent les reco air du weekend !
Donc dès l’un des premiers samedis de mon arrivée, mon chef ops m’emmène pour me former avec lui dans sa reco air à bord du Broussard. Matériel pris, briefing minutieux avec le pilote pour me faire visualiser les différents objectifs sur la carte avant de les découvrir en « réel ».
La météo est bonne et la visibilité parfaite ; nous entamons un circuit classique et comme tous les visiteurs officiels qui auront droit à cette « démonstration », je suis impressionné par la multitude d’objectifs et surtout le nombre de matériels que je découvre.
Le Broussard de la MMFL
Mais je suis sensé être en formation : mon chef ops, instructeur du jour, est sensé me fournir indications, conseils et commentaires sur ce que nous survolons. Je suis à genoux à la fenêtre avec mon appareil photo en train de mitrailler à tout va et lorsque je me retourne vers mon chef pour lui demander des précisions et c’est alors que je m’aperçois …. je cherche les mots pour ne pas endommager la mémoire de ce grand ancien dont la carrière dans le renseignement et en particulier à la MMFL m’impose le respect…
Je m’aperçois donc à son teint qu’il n’est pas au mieux de sa forme…. je m’abstiens donc de l’abreuver de questions. Il est vrai que le pilote pour faciliter notre travail réduisait au maximum sa vitesse et dans ces conditions, notre valeureux aéronef avait des petits « décrochages », des « trous d’air » qui pouvaient remuer les estomacs.
Tous ceux qui l’ont pratiqué pourront confirmer mes propos; chance physiologique et/ou inconscience de la situation et surtout passionné que j’étais en ces instants, moi j’étais en pleine forme, ravi de découvrir tous ces matériels.
Cet état de fait explique les raisons pour lesquelles j’ai eu la chance de faire les reco air du week end un peu plus souvent qu’à mon tour …
J’ai eu aussi par la suite la possibilité de faire ces reconnaissances en doublure avec certains sous-officiers très expérimentés qui m’ont appris les rudiments de ce travail si particulier.
Je dois avouer que lors des premières fois pris par l’ambiance je faisais beaucoup trop de photos et malgré les notes prises sur mon petit carnet, j’avais des difficultés à tout restituer, d’autant que beaucoup de mes prises de vue étaient inexploitables. Mais ceux qui l’ont fait sauront reconnaitre que ce n’est pas du tourisme que de prendre une photo au 250 voir au 500 depuis la fenêtre du Broussard !
Autre aveu d’humilité que le temps passé permet aujourd’hui : la rédaction de la Note de Renseignement consécutive à votre reconnaissance aérienne incombait naturellement en totalité à celui qu’il l’avait effectuée.
Et donc là la tâche était énorme : beaucoup de photos, OK, très bien mais
- où ont-elles été prises ?
- quels sont les matériels ??
A ce stade, il m’importe de mettre en exergue le travail formidable réalisé par un sous-officier de la section Terre que tous reconnaitront, mais que sa modestie m’empêche de citer.
En effet pour reconnaitre les matériels depuis la verticale c’est beaucoup plus ardu que depuis le sol.
Pour les matériels majeurs blindés ou artillerie ce n’est déjà pas simple mais pour les véhicules carrossés c’est encore plus délicat. Un travail considérable avait déjà été fait pour les BBV (Box Bodies Vehicles) et par la suite des carnets d’exemple avaient été réalisés pour aider à l’identification à partir des photos réalisées en reconnaissance aérienne.
Pour avoir participer avec lui à des réunions de travail avec nos amis des autres missions, je peux témoigner que cela a largement contribué à resserrer nos relations et nos échanges qui avaient sans doute étaient quelque peu malmenés après 1981 …
Autres anecdotes de mes reco air :
- Avec le L19
Si la météo était bonne c’était un réel plaisir de voler dans ce petit avion : seul et très proche derrière le pilote, on avait vraiment la sensation de faire « équipage » même si je n’avais aucune notion de pilotage…La légèreté voire la fragilité de cet aéronef était clairement perceptible ; si par imprudence ou par nécessité (dû aux nombreux vols le samedi matin sur Tegel), le pilote devait s’insérer dans la queue des décollages et prendre le virage pour s’aligner en bout de piste un peu précipitamment, nous nous retrouvions bien secoués dans les turbulences du gros porteur précèdent qui venait de décoller.
CESSNA L-19
Je me dois aussi de souligner la grande compétence des pilotes de l’ALAT qui maitrisaient parfaitement ce petit avion et qui s’impliquaient pleinement dans nos missions et nous amenaient dans les conditions optimales pour prendre nos clichés (soleil, angles, altitude…) A tel point que nos camarades soviétiques semblaient particulièrement agacés par cette petite « libellule » qui venait les narguer. C’est ainsi que lors de l’un de mes tout premiers vols j’ai eu droit au lancement d’une fusée éclairante qui a eu le mauvais gout de rester un instant sur l’aile…Ouf ! Mais le pilote par un petit battement d’ailes l’a fait tomber en me disant : « les ailes sont entoilées et il y a les réservoirs dedans, alors il fallait que je fasse vite ! » ;
Je n’ai jamais vérifié l’exactitude de ses propos mais rétroactivement j’ai eu quelques sueurs froides.
Autre anecdote assez peu banale : toujours lors de l’un de mes premiers vols j’ai eu droit à une panne radio. En soi cela n’est pas dramatique sauf au moment du retour lorsqu’il faut se poser sur Berlin Tegel au milieu du flot de la circulation aérienne très dense. Le pilote calme et expérimenté avec lequel j’étais en permanence radio de bord, m’a informé immédiatement du problème en me précisant qu’il existait une procédure particulière dans ces cas-là.
Je résume : il suffit de faire un passage devant la tour et indiquer par des battements d’ailes que nous avons un problème radio et que nous voulons atterrir et qu’il doit pour cela nous libérer une piste ; en retour le responsable dans la tour doit nous répondre en envoyant une fusée verte pour signifier qu’il a bien compris et qu’il fait le nécessaire. Parfait, sauf que manifestement ce genre de procédure n’est pas très courante et le pauvre contrôleur de service ce dimanche matin ne savait manifestement pas où se trouvait les fusées vertes…
Après plusieurs passages en battant frénétiquement des ailes et moi le buste à moitié sorti du fuselage en agitant les bras, toujours aucune réaction. C’est alors que le pilote, toujours aussi calme m’annonce : « s’il ne répond au prochain passage je me pose sur le taxiway ! » Finalement au troisième passage, lorsque nous nous sommes préparés pour nous aligner, la fusée verte nous a autorisés à nous poser sur la piste principale.
- Anecdote avec le Twin Otter .
Cet avion avait remplacé notre valeureux Broussard durant l’année 1988 et cela devait être l’un des premiers vols car aucun aménagement particulier n’avait encore été installé sur l’appareil : je veux parler de cet ingénieux déflecteur en plastique qui fut mis ultérieurement sur le hublot pour éviter les turbulences et que seul le génie inventif type système D français peut concevoir. (*)
DHC-6 Twin Otter
Donc l’appareil était nouveau et intriguait nos amis soviétiques et ils nous le firent savoir.
L’appareil était spacieux et comme ces quelques photos le montrent nous étions confortablement assis et à l’aise pour travailler tout en étant en liaison avec les pilotes. Ce n’était plus le charme et la proximité du L19 mais c’était efficace.
Intérieur de cabine du Twin Otter
Le briefing aux pilotes était un peu plus délicat car ils ne connaissaient pas la zone de la BCZ mais j’avais déjà acquis assez d’expérience pour les aider dans la navigation et, arrivés à hauteur de BERNAU, nous avons vu littéralement fondre sur nous un FOXBAT, je dis bien un MIG-25 qui a fait un tour à notre proximité, mais compte tenu des vitesses relatives (que je ne connais pas), il ne pouvait se maintenir à nos côtés. Les pilotes un peu tétanisés m’ont demandé ce que l’on devait faire… je leur ai, à mon tour demandé s’ils se sentaient d’engager un combat aérien et sans attendre leur réponse, je leur ai conseillé de poursuivre notre navigation sans écart et le plus calmement possible. Sur ces entrefaites un deuxième FOXBAT est venu nous intimider et il est vrai que c’était impressionnant.
Mig-25 FOXBAT
Par la suite un MI 2 Hoplite s’est approché très dangereusement de notre avion pour prendre des photos pour découvrir un quelconque dispositif d’observation sur notre appareil. Il était tellement proche de nous que j’ai pu réaliser une photo du dentier de l’opérateur soviétique qui nous mitraillait lui aussi avec son PRAKTIKA.
Denis Bristiel
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
* Cet astucieux dispositif a heureusement été préservé par L'Adc Jean-Michel (Pépé) Perez qui me l'a remis en vue d'une future exposition au musée du renseignement. (Frédéric Oros)
A découvrir aussi
- Le soldat est-allemand et le missionnaire.
- Le soldat soviétique et le missionnaire
- De l’Importance des Missions de Reconnaissances aériennes
Inscrivez-vous au site
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 310 autres membres