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L’invasion de l'Afghanistan, le 27 décembre 1979

 

 



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Opération Chtorm-333

 

 

 

Cette invasion crée une immense surprise dans le monde, surtout dans cette période de fêtes de fin d'année. Et pourtant...

 

Le 25 décembre 1979 après-midi, comme prévu, je fais une reconnaissance aérienne au-dessus de la BCZ avec le L19 de l'armée de terre. Le temps est très doux en cette journée de Noël. Et quelle n'est pas ma surprise d'observer sur le terrain d'exercice 401 de Dallgow-Doeberitz, un rassemblement important de soldats soviétiques, en train de s'équiper ou d'essayer des tenues blanches, utilisées pour le combat dans la neige et/ou en montagne ? Je prends quelques photos, indispensables pour le classement A1 de l'information. Il y a en gros le volume d'un bataillon (300 hommes). Le pilote du L19 est aussi interloqué que moi.

 

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L 19 Tegel

 

 

Après le poser sur Berlin-Tegel et le retour dans nos locaux, je rédige le message urgent et confidentiel-défense/source secrète, comme cela doit être fait après chaque reco-air.. Je rends compte de la seule observation faite, à l'occasion de ce vol, et surtout je fais un « commentaire ». C'est la seule façon dans le renseignement de faire une hypothèse ou d'exprimer un doute, voire une incompréhension, pour indiquer en l'occurrence que « la météo du jour ou future, ne justifie en rien l'utilisation de ces tenues ».

 

Deux jours après, quand l'invasion de l'Afghanistan par un contingent soviétique est rendue publique, l'hypothèse d'un lien avec l'observation faite le jour de Noël devient plausible. Effectivement, par d'autres sources, nous apprendrons assez rapidement que pour masquer – toujours la maskirovka, chère aux forces soviétiques – les préparatifs de cet engagement, le commandement avait choisi de prélever nombre d'unités élémentaires un peu partout dans les groupes de forces du Pacte de Varsovie, et en URSS. Le matériel de guerre était fourni indépendamment, à partir d'autres unités ou de dépôts de mobilisation.

 

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 T 62 près de Kaboul. 

 

Le pourquoi de cette invasion est intéressante à chercher. Il semblerait que la décision ait été prise par Brejnev, le chef du KGB et le chef d'état-major des armées ; mais contre l'avis de l'État-major général (EMG). La raison officielle a été de prêter main forte à un pays frère communiste, en difficulté. On peut aussi penser qu'il se soit agi d'une vaste opération de diversion, pour trois raisons principales :

  1. Faire oublier aux Soviétiques les échecs économiques de la politique de l'URSS qui les maintient dans une situation pour le moins médiocre ;

  2. Tenter d'enfoncer un coin dans la solidarité occidentale, peut-être en forme de réponse à l'élection de Jean-Paul II, à peine 15 mois avant ;

  3. Adresser une forme d'avertissement aux Républiques musulmanes de l'Union soviétique, tentées par plus d'autonomie ?

Toujours est-il que la décision prise allait être lourde de conséquences sur le plan diplomatique. On peut penser que les Russes, pourtant cultivés, n'avaient pas eu le temps de lire l'excellent livre de Joseph Kessel : « Les Cavaliers », publié en 1967. Sinon, ils auraient su que les tribus afghanes sont viscéralement attachées à leur liberté, et en quelque sorte indomptables…

 

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Blocage d'un équipage de la MMFL

 

Deux mois après, je suis de nouveau « bloqué », avec mon équipage, dans la ville de Karl-Marx-Stadt (redevenue Chemnitz), au sud-est de la RDA. Puis, nous sommes invités à rejoindre la Kommandantura de la ville, dont le chef souhaite m'entendre, avant de nous « libérer ». Apparemment très fier, de l'invasion de l'Afghanistan, il me tient des propos un peu surprenants, en faisant une comparaison avec l'armée française en Algérie, afin que je comprenne bien que la Russie ne commettra pas les mêmes erreurs. Il est déjà 2 ou 3 heures du matin, je lui réponds, aimablement, qu'il devrait être plus prudent et que nous verrions cela, avec le temps... Ma répartie était bien inspirée, car dans la même nuit, à Kaboul, avait eu lieu la première manifestation étudiante contre l'invasion soviétique !

 

Les Jeux Olympiques de Moscou en 1980 pâtiront de cette invasion : au total plus de 60 pays boycotteront les Jeux. La réponse donnée lors des JO d'Atlanta de 1984 n'aura pas la même ampleur avec seulement 18 pays absents, dont l'Afghanistan sous régime d'occupation soviétique. On peut en conclure que cette invasion a bien été le premier vrai faux-pas de l'URSS sur la scène internationale. Par différence, les interventions en Hongrie (1956) puis Tchécoslovaquie (1968) avaient eu moins de retentissement – même si elles avaient été fermement condamnées par les Occidentaux –, car elles se situaient au sein du Pacte de Varsovie, dans un contexte dit de « souveraineté limitée ».

 

Francis Demay

 

mise en page et illustration: R.Pi

 

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Spetnaz en 1980 Afghanistan



01/10/2019
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