DISS - RECOGNITION IS FUN !
Introduction :
Notre camarade Daniel dans son article fait partager son expérience de formation à la Defence Intelligence and Security School (DISS) installée dans l’enceinte de la Templer Barracks à proximité de la ville d’Ashford dans le comté du Kent.
Dans les dernières années de l’existence de la MMFL, quelques Officiers chefs d’équipage y ont effectué un stage d’un mois environ. Expérience et formation intéressantes.
RECOGNITION IS FUN !
La mission militaire française de liaison de Potsdam (MMFL) ayant cessé ses activités fin 1990 ce n’est donc que très tardivement, à partir de 1986, si ma mémoire est bonne, que certains officiers affectés à la MMFL en qualité d’officier de liaison et chef d’équipage eurent l’honneur et la chance de suivre un stage de perfectionnement au Royaume Uni.
D’une durée de quatre semaines, ce stage, intitulé « special course », se déroulait à la Defence Intelligence and Security School (DISS) installée dans l’enceinte de la Templer Barracks à proximité de la ville d’Ashford dans le comté du Kent[1]. Sans doute pour des raisons de confidentialité et compte tenu de la nature très secrète des activités des missions de Potsdam, les instructeurs et stagiaires étaient regroupés dans un bâtiment dédié et n’avaient aucun contact avec les autres occupants de Templer Barracks. Les instructeurs étaient tous d’anciens membres de BRIXMIS, la mission britannique homologue de la MMFL à Potsdam.
Stagiaires américains, britanniques et français.
Les trois premières semaines mettaient l’accent sur l’identification des matériels terrestres et aériens du Groupement des Forces Soviétiques stationné en Allemagne de l’Est (GFSA), sur l’assimilation des techniques photo et vidéo et les savoir-faire nécessaires pour accomplir avec succès et en sécurité des missions de recueil du renseignement en zone hostile. Quelques séances portaient sur l’organisation des grandes unités du GFSA. La dernière semaine était consacrée à un exercice de synthèse de trois jours sur le camp militaire de la Salisbury permanent training area et à l’examen final dont le vainqueur recevait des mains du chef de stage le trophée « Eagle Eye ».
A raison d’environ cinq heures par jour, l’identification des matériels (recognition) était le cœur du stage. Tous les armements étaient minutieusement et méthodiquement décortiqués à partir de croquis, de diapositives, de vidéos. Après une présentation générale de l’armement étudié, l’instructeur énumérait les principaux critères d’identification. Chaque matin avant le début des cours, un test à base d’une vingtaine de diapositives portant sur les équipements étudiés les jours précédents était organisé ; les notes obtenues par les stagiaires étaient affichées dans le hall du bâtiment avant le déjeuner.
Le second pilier de l’enseignement portait sur l’entrainement photos et vidéos. Théorie en salle de cours puis application sur les vastes installations du camp. Afin de maitriser la prise de photos d’avions, l’école avait planifié une journée de prises de vue sur l’aéroport civil de Gatwick, situé à une heure de route d’Ashford. En outre, pour joindre l’utile à l’agréable, les stagiaires pouvaient emprunter du matériel pour le weekend et partir en reportage photo dans la région, ce que j’ai fait par deux fois à Canterbury et Hastings. A la reprise des cours, le lundi matin, les appareils et pellicules étaient remis aux instructeurs pour développement et critique individualisée des prises de vue.
Last but not the least, plusieurs heures étaient consacrées à la recherche opérationnelle sur le terrain avec le témoignage inestimable des anciens missionnaires de BRIXMIS. Etaient particulièrement traités le croisement d’un convoi routier, l’approche d’un objectif sensible, l’installation sur un poste d’observation, de jour et de nuit, la réaction en cas de blocage et les premières mesures à prendre pour immédiatement faire retomber la tension avec les Soviétiques. Les Britanniques insistaient beaucoup sur la cohésion au sein de l’équipage, la confiance réciproque, l’absence d’appréhension. Le chef d’équipe devait s’efforcer d’avoir un prétexte pour justifier sa présence et celle de son équipage sur la zone de prospection. En fin de stage, chaque missionnaire a reçu un aide-mémoire récapitulant les savoir-faire essentiels.
La dernière semaine débutait par un exercice de synthèse de trois jours et deux nuits sur le camp de Salisbury et s’achevait tôt le jeudi matin avec regroupement de toutes les équipes devant le fameux site mégalithique de Stonehenge. Chaque stagiaire jouait le rôle de chef d’équipage, accompagné de deux sous-officiers britanniques anciens de Brixmis et dans un véhicule Geländer, acheminé depuis Berlin ! Le plastron était constitué par les lieutenants des écoles d’application de l’infanterie et de la cavalerie, eux-mêmes en manœuvre et dûment informés de notre présence et de notre mission et chargés de nous bloquer dès que possible. Je garde le souvenir ému d’une course poursuite avec un ferret[2] aussi agressif qu’un vrai Soviétique sur le terrain de Lieberose.
Dès la fin de l’exercice et dès potron-minet, sans aucun repos hormis un copieux breakfast au mess officiers, débutait le test final d’environ deux heures, portant essentiellement sur l’identification avec trois épreuves distinctes : 60 diapositives à raison de trois secondes par prise de vue, projection de deux bandes vidéo incluant aéronefs en vol et matériels terrestres sur train, le stagiaire devant enregistrer sur dictaphone le fruit de ses observations. Pour terminer, le missionnaire était introduit dans une pièce sombre et découvrait une remarquable reconstitution d’un site de franchissement nocturne et sur lequel étaient positionnés des modèles réduits métalliques représentant des blindés chenillés et à roues, des engins de franchissement, des véhicules des transmissions, des camions de type Oural ou ZIL et même une cuisine de campagne type KP 130 !! Il fallait en un temps limité identifier le maximum de matériels présentés.
Ce stage fut pour moi un moment fort de ma carrière dans la filière du renseignement et des langues. L’organisation fut parfaite, les objectifs étaient réalistes et rigoureusement adaptés aux exigences des missions de reconnaissance en RDA. Les savoir-faire acquis me furent d’une grande utilité non seulement à la MMFL mais également les années suivantes comme inspecteur du désarmement à l’UFV et observateur de l’OSCE dans le Donbass en guerre. Il va sans dire également que quatre semaines en immersion en milieu anglophone (j’étais le seul français dans ce stage) constituaient, au moins les premiers jours, une source de fatigue intellectuelle que j’évacuais en fin de journée, après le « Tea time » par un footing réparateur sur les magnifiques pelouses de Templer Barracks.
Tout cela n’aurait pas été possible sans la présence et l’investissement sans faille d’instructeurs en tous points remarquables dont le chef de stage, le major Peter Johnston trop tôt disparu. D’une compétence exceptionnelle, d’une disponibilité et d’une patience à toute épreuve ils étaient en outre d’éminents pédagogues. Cinq heures d’identification quotidiennes ce n’est pas facile à digérer. Et pourtant à aucun moment cette discipline ne nous a paru rébarbative et la devise initiale, affichée en salle de cours, « recognition Is fun[3] » s’est avérée parfaitement exacte. Dans le domaine du renseignement, les Britanniques restent des maitres.
Daniel PASQUIER.
Commentaire :
A la dissolution de la MMFL, certains de ses membres ont été affectés à la DRM au sein d’une section de Recherche Humaine comme le décrit le Général Patrick MANIFICAT, ancien second de la MMFL, dans son remarquable livre « Action et Renseignement » publié aux éditions « H&C ».
Cette section a eu aussi à créer et à animer des stages complémentaires de formation au profit de diverses unités ayant à charge des actions dans le domaine du « Renseignement Humain ».
Dans ce domaine, nos unités n’ont pas à rougir du savoir-faire britannique comme l’ont prouvé leurs nombreux engagements dans différents théâtres d’opérations « très chauds » en tous points.
Jacques Suspène
Président de l’AAMMFL (Amicale des Anciens de la MMFL).
[1] En 1997, en raison de travaux sur la liaison ferroviaire du tunnel sous la Manche, les installations de Templer Barracks furent démolies et l’école transférée près de la ville de Shefford dans le Bedfordshire.
[2] Le ferret est un véhicule blindé léger de reconnaissance à roues. Il fut en service jusqu’en 1991.
[3 L’identification, c’est drôle
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