Roue crevée…et petite peur subite.
Rédacteur : Jacques Suspène.
Ce court texte pour vous raconter un moment d’angoisse de ma part qui n’aurait pas dû avoir lieu…comme quoi, rien ne peut être écrit d’avance.
Dans un article précédent, je vous racontais une aventure de roues crevées, vécue lors de mon premier séjour à la MMFL. Cette fois-ci, c’est de nouveau une petite aventure de roue crevée qui s’est déroulée quelques années plus tard lors de mon deuxième séjour et toujours vécue avec de super compagnons « Missionnaires ». Un équipage uni était une Force magique.
Ce jour-là, une sortie « radars », avec la visite de très nombreux sites de la zone sud-ouest avait été assignée à l’équipage dont j’avais la responsabilité. René, comme chauffeur-photographe et Loïc comme observateur, étaient mes deux équipiers de luxe, brillants tous deux.
Mes deux brillants compères : Loïc « In memoriam » et René « le filou demi de mêlée»
Après toutes les séquences et étapes préparatoires habituelles nous voilà en route vers « l’Est ». Nous y serons après le franchissement du « Pont des Espions ».
Dès le franchissement du point de contrôle du « Pont des Espions » nous pénétrons à « L’Est », où la Stasi nous attend.
Notre « tournée » nous entraîne à plusieurs centaines de kilomètres de notre point de départ et nous oblige à réaliser nombre de manœuvres diversives afin de pouvoir disposer d’un temps de tranquillité nécessaire à une bonne observation de chaque site.
Nos indispensables précautions d’approches sont souvent perturbées par des événements imprévus de dernière minute et nous obligent à adapter nos plans.
Ce sont dans ces moments-là que la parfaite osmose et le bon dialogue au sein de l’équipage permet une réactivité salvatrice. C’est le cas dans cette mission. Loïc jonglant à merveille avec ses cartes, René avec son sens inné de l’évasive du demi de mêlée qu’il est, nous permettent d’échapper aux petits pièges qui se présentent.
C’est donc après plusieurs heures de route et de manœuvres diverses et variées pour rompre les filatures que nos premiers objectifs sont atteints sans ennui majeur.
Dans le « Cercueil photo » (nom donné au sac en cuir très long, où vient se loger tout l’équipement photo) les films exposés s’accumulent et nous sommes satisfaits de notre « récolte ».
Au fil des kilomètres, dans un équipage « Air », il n’est pas rare que le Chef d’équipage prenne le volant ; le photographe qui classiquement est le chauffeur, passe alors en place arrière. Au fil de cette longue mission ce sera souvent le cas.
Notre tournée se poursuit d’objectifs en objectifs, toujours sans ennuis majeurs, malgré parfois l’apparition de « suiveurs locaux » que nous « détectons et semons » assez facilement. L’intense crépitement de notre scanner-radio branché sur les fréquences de la STASI nous fait ressentir leur énervement à chacune de notre « disparition ». La parfaite maitrise des « cartes » de Loïc nous permet de leurrer nos adversaires par des évasives souvent à travers champs et forêts.
A mon tour de prendre le volant ; nous approchons d’un site radar soviétique que nous savons délicat, d’autant qu’il vient d’être doté d’un matériel récent et encore peu photographié en détail.
L’approche se déroule de façon nominale malgré un terrain délicat. Formidable ! Nous débouchons sur le site qui s’offre à notre vue dans des conditions presque ad’hoc. Petit regret, le nouveau radar ne nous apparaît pas de façon idéale. Seule solution : longer la clôture du site et permettre à René de « mitrailler » le bel objet à bout portant.
A l’angle de la clôture, le mirador semble vide…Erreur ! Une tête en surgit brusquement au moment de notre passage et aussitôt la sentinelle hurle.
Dans le site, ça va s’agiter. Nous fonçons jusqu’au niveau du radar, René fait « chauffer » son « Nikon ». Loïc, lui aussi, tout en mitraillant les autres radars avec un autre « Nikon » assure un décompte des équipements du site.
Il ne s’agit pas du site visité, mais les conditions d’observation étaient identiques
Pour ma part, au volant j’assure la sécurité. Subitement j’aperçois des soldats en armes se précipiter vers un camion « Oural », lui-même précédé d’un « UAZ » (l’équivalent d’une Jeep). Je préviens les camarades.
Je démarre aussitôt mais de notre position nous sommes obligés de suivre la clôture sur une petite centaine de mètres afin de rejoindre directement le chemin du site. Il est impensable de faire marche arrière et de repasser au pied du mirador ; trop risqué. Nous rejoignons le chemin d’accès au site au moment où des sentinelles en ouvrent les portes.
Ce chemin d’accès au site qui permet de rejoindre la grande route est un chemin grossièrement empierré. Je fonce ! Trop même ! René me le répète plusieurs fois ; mais dans le rétro, je vois les véhicules s’élancer derrière nous ; heureusement ce chemin est assez long ce qui nous permet de distancer nos poursuivants. Au lieu de stabiliser ma vitesse, poussé probablement par la crainte stupide d’un incident avec l’arrivée en face d’un autre véhicule militaire, j’accélère encore.
La route n’est plus qu’à quelques dizaines de mètres. Un événement de dernière minute va surgir… ! Enorme bruit, la voiture est ballotée et de fortes vibrations nous indiquent que nous venons de crever…Heureusement, d’une roue arrière.
Nous rejoignons la route ; deux choix s’offrent à nous ; sur notre droite, une longue ligne et sur notre gauche, à quelques centaines de mètres, un village. Bien évidemment notre choix est la direction du village proche où nous espérons avoir le temps nécessaire pour y trouver un refuge. C’est fait, nous sommes dans le village. Très vite, une cour ouverte s’offre à nous avec un muret qui nous protège de la rue. Nous nous y glissons. Heureusement la cour et la maison sont vides ; « Dame Chance est avec nous ». Loïc, saute de la voiture et caché, s’assure que nos « chasseurs » nous dépassent et poursuivent leur route sans nous apercevoir. Loïc reste caché veillant toujours.
René et moi dégageons le coffre, sortons une roue de secours et cric, puis à une vitesse digne des mécanos des écuries de Formule 1, nous changeons notre roue. Nous craignons que nos poursuivants reviennent sur leurs pas et nous recherchent dans le village.
Ouf ! la roue est changée, le coffre rechargé. Ce n’est pas une mince affaire.
Enfin, nous repartons en sens inverse, sans visuel sur nos poursuivants. Nous repassons devant le chemin d’accès du site et avec soulagement nous nous en éloignons, heureux de notre collecte et de nous en être sortis à si bon compte.
Ma crainte subite d’un « blocage » m’a entraîné dans une mauvaise réaction et a failli nous coûter cher. Comme quoi, même avec beaucoup d’expérience, tout peut arriver et une modestie permanente s’impose.
Sans autre « frayeur » nous terminons notre « tournée » pleine d’enseignements et de renseignements. Les autres sites programmés sont également couverts. Nous sommes heureux et satisfaits de notre moisson ; toutefois, personnellement, je suis chagriné par ma mauvaise réaction. Mes deux compères me la feront payer au bar de la « Villa », ce que je fis avec plaisir. Ce type d’aventures nous marque et nous soude pour toujours.
Dès le côté Ouest du « Pont des Espions » atteint, l’air de la liberté s’engouffre dans la VGL mais avec un gout de « reviens-y »
Puis le « Pont des Espions » s’offre de nouveau à nous. Dans l’autre sens, nous le franchissons sans ennui et l’air de liberté entre dans notre VGL. Mais nous sommes déjà, comme tous » Missionnaires », impatients, de le retraverser de nouveau et de replonger dans notre univers si passionnant.
Univers qui nous aura marqué à jamais.
Commentaire :
Tout missionnaire a vécu de tels moments, cette dose d’adrénaline était aussi notre « piment ». Ce serait bien si ces articles poussaient d’autres Missionnaires à nous délivrer leurs souvenirs certainement encore plus marquants pour les lecteurs que les miens. Merci à ceux qui ont déjà écrit.
« Missionnaire un jour, Missionnaire toujours »
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