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Les voitures opérationnelles de la MMFL

 

Les voitures opérationnelles de la MMFL

 

 

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Un rappel historique

 

La MMFL a utilisé principalement comme Véhicule - ou Voiture - de Grande Liaison (VGL), au moins depuis la fin des années 50 jusqu’à la dissolution de la Mission en 1990, des berlines (c’est le cas de le dire !) Mercedes, des différentes séries 190 jusqu’à 280 E. Ces voitures différaient quelque peu des modèles de série. Elles étaient profondément modifiées par les services techniques du Gouvernement militaire français de Berlin (GMFB). La coopération étroite entre les trois Missions avait d’ailleurs abouti à ce que l’équipement des VGL des Missions alliées soit très comparable.

 

 

 

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Des équipements très particuliers

 

Tout d’abord, les voitures étaient entièrement peintes d’une couleur vert kaki mat. Ensuite, outre le renforcement de la suspension, la protection par des plaques de « blindage » du dessous du moteur et de la transmission, l’adjonction dans le coffre de réservoirs supplémentaires d’essence, de crochets d’amarrage à l’avant et à l’arrière de la voiture, et de phares additionnels, les aménagements intérieurs étaient substantiels.

 

L’installation électrique était entièrement refaite. Elle comportait notamment toute une batterie de coupe-circuits, plus ou moins bien camouflée sous le tableau de bord, qui permettait au conducteur d’isoler l’avertisseur, les feux arrière, les feux de stop, les clignotants, les feux arrière de recul, de ne faire fonctionner qu’un phare additionnel et un feu arrière d’un même côté (donnant de nuit l’apparence d’une moto).

 

Des lampes de lecture étaient placées aux deux places à droite (à l’avant pour l’observateur, à l’arrière pour le chef d’équipage). Les vitres arrière et latérales pouvaient être occultées par des rideaux opaques marron beige. La banquette arrière était coupée de façon à libérer la place gauche et accroître ainsi le volume de rangement destiné aux matériels d’observation.

 

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Une spécialité bien française

 

Un essai des Opel Kapitän ou Admiral au milieu des années 70, à l’imitation de BRIXMIS, ne fut pas très concluant en raison d’une fiabilité inférieure à celle des Mercedes. Mais, à la différence des voitures britanniques qui étaient très performantes, aussi bien sur route qu’en tout chemin, les Opel de la MMFL n’avaient pas reçu les mêmes modifications, en particulier de la transmission qui, chez les Britanniques, était modifiée en Angleterre pour recevoir le système Ferguson  de quatre roues motrices ainsi qu’une suspension adaptée. De plus, les VGL françaises étaient maintenues en service plus longtemps et n’étaient renouvelées en principe qu’après environ 100.000 km.

 

 

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4x4 ou non

 

A la même époque, la MMFL a essayé ses premières VGL 4x4 Range Rover, à la suite de USMLM qui avait testé des Jeep Bronco au début des années 70, et de BRIXMIS qui avait utilisé des Land Rover, puis des Range Rover. La question de se doter de véhicules militaires tout terrain, était controversée au sein de chaque Mission, et entre les trois Missions.

 

Au niveau des équipages, tout le monde était à peu près d’accord sur l’équation à résoudre. Les « aviateurs » empruntaient des petits chemins difficiles au cours de leur approche finale pour s’approcher le plus discrètement possible de leurs points d’observation à proximité des aérodromes. Les « terriens » n’étaient pas en reste sur les pistes tactiques utilisés par les engins chenillés soviétiques ou de la NVA. Les uns et les autres voulaient donc des voitures qui « passent partout ». La capacité tout terrain prévalait.

 

Cependant, pour les uns comme pour les autres, la circulation s’effectuait le plus souvent sur des routes. La préférence allait, dans cette configuration, à des voitures rapides, « routières » et d’une grande autonomie.

 

            Si l’on élevait le débat au niveau des chefs de mission, un autre élément devait être pris en compte : la mission originelle dite de « Liaison ». En effet, malgré le gain appréciable de motricité, donc de capacité, que procurait la mise en service des 4x4, on pouvait considérer que cela donnait un aspect trop agressif ou trop « opérationnel » aux équipages – de même que les « tourelleaux » d’observation qui étaient aménagés sur le toit -, en tout cas une silhouette assez éloignée de la fiction que constituait, encore et toujours, la mission « de liaison ».

 

Les partisans du véhicule routier d’aspect classique, appréhendaient en fait la réaction négative des Soviétiques et mettaient en avant la réciprocité avec les Missions soviétiques en RFA qui n’étaient pas équipées de véhicules tout terrain.

 

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Une première expérience décevante

 

Ces craintes se révélèrent sans fondements. La réaction négative attendue n’eut pas lieu, probablement parce que les Soviétiques n’entretenaient aucune illusion sur la nature des activités des équipages des trois Missions, et qu’ils les avaient implicitement admises par défaut.

 

Mais l’expérience des Range Rover menée à la MMFL fut loin d’être concluante. Malgré les réelles qualités de mobilité de ces véhicules, ils souffraient d’un manque de fiabilité ; les démarrages à froid étaient problématiques et le « service après vente » n’était pas satisfaisant, les pièces de rechange tardant trop à être livrées

 

C’est alors qu’au début des années 80, l’attention des Missions se porta sur le nouveau véhicule 4x4 de Mercedes : le Geländewagen, baptisé en abrégé GE et même « G ».

 

 

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L’adoption de la « G »

 

            Les premières VGL « G » furent du modèle 280 E, châssis court à 2 portes, qui reçurent pratiquement les mêmes modifications que les berlines à l’exception du tourelleau d’observation – très utile, même s’il ne fit pas l’unanimité – de l’arceau et des filets de sécurité intérieurs (cf. plus loin). Le fauteuil du chef d’équipage, en position arrière centrale, fit l’objet d’études méticuleuses. Non pas en raison de l’importance de la fonction de son destinataire, ni de « l’âge du capitaine » ou de la fragilité de ses lombaires ! mais tout simplement parce que l’emplacement qu’il occupait était le plus inconfortable, juste au-dessus de l’essieu arrière, là où les « coups de raquette » en tout terrain se faisaient le plus sentir. Le choix se porta sur un fauteuil du type Poids Lourd, orientable, réglable et particulièrement bien suspendu.

 

On pensait alors qu’un châssis court donnait une meilleure aptitude au franchissement d’obstacles. Mais l’inconvénient des 2 portes se révéla rédhibitoire pour un équipage de trois personnes, surtout en cas de départ précipité. De plus, le volume intérieur, donc la capacité d’emport, était trop réduit.

 

Le choix définitif se porta donc sur le modèle Geländewagen 280 E à 4 portes comprenant de nombreux équipements additionnels. Le parc auto fut alors constitué pour moitié de berlines et de « G », ce qui était une solution fort sage.

 

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Les modifications

 

            Les « G » étaient peintes de la même couleur kaki vert mat et équipées des mêmes rideaux que les berlines. Les modifications électriques (coupe-circuit, liseuses, prises additionnelles) étaient également identiques. En revanche, elles n’étaient pas équipées de réservoir d’essence supplémentaires. Deux phares antibrouillard étaient rajoutés tandis que les deux cabochons de clignotants situés sur les ailes avant étaient supprimés. Un treuil électrique était installé à l’avant et un crochet de remorquage à l’arrière comme à l’avant. Un arceau de sécurité intérieur protégeait l’équipage en cas d’accident. La banquette arrière de série était remplacée par un siège individuel suspendu placé au centre et permettant (enfin !) au chef d’équipage d’avoir une vision centrale correcte vers l’avant entre les deux autres membres de l’équipage. De nombreux compartiments étaient aménagés à droite et à gauche pour ranger et protéger le matériel d’observation, les cartes et les impedimenta personnels. Des filets de protection étaient installés à l’arrière de ce siège pour empêcher le basculement du chargement du coffre vers l’avant tout en permettant d’y accéder de l’intérieur. Enfin, une ouverture circulaire était aménagée dans le toit au-dessus du siège central arrière, avec un capot faisant saillie et ouvrant vers l’avant, permettant ainsi une observation tout azimut et dominante.

 

 

 

Le fameux lot de bord

 

            L’inattendu étant la règle, il fallait bien prévoir le pire ! C’est pourquoi le coffre était plein d’objets aussi utiles qu’encombrants, permettant aux équipages de se sortir de façon autonome d’une situation allant de la banale crevaison à l’enlisement complet…

 

            C’est pourquoi le treuil électrique ne dispensait pas de l’emport d’un treuil supplémentaire, manuel cette fois, sous la forme d’un « tire-fort » accompagné de son câble de 30 mètres et de sa plaque métallique rectangulaire d’ancrage, formée en V et percée de 8 trous pour le passage des « aiguilles »  métalliques (un mètre de longueur et 2 cm de diamètre) à enfoncer dans le sol à l’aide d’une masse, le tout bien connu des utilisateurs des berlines VGL.

 

            On y trouvait également des plaques pour glisser sous les roues en terrain mou (sable, boue ou neige), deux roues de secours, des chaînes à neige (et à boue !), une trousse d’outillage très complète complétée par une hache, une scie et une pelle, un cric mécanique et un cric gonflable (à brancher sur l’échappement), une trousse médicale de secours, une ou deux jerrycans d’essence, un bidon d’eau, des bâches kaki et des couvertures pour recouvrir les parties brillantes de la VGL pendant les stationnements ou sur les points d’observation, une tente à arceaux de montage/démontage rapide, des sacs de couchage et des rations survie, sans compter les sacs des équipiers et tout le matériel d’enregistrement, d’observation et de navigation…

 

            Bref tout l’équipement d’un véhicule préparé pour un Paris-Dakar qui aurait été dépourvu de véhicules de soutien et d’assistance !

 

 

 

Un bon choix

 

            Au risque de décevoir des lecteurs non « missionnaires », nos véhicules n’étaient pas vraiment des voitures blindées de type James Bond. Il s’agissait finalement de véhicules standards modifiés pour être rendus plus sûrs, plus robustes et mieux adaptés aux conditions spécifiques d’emploi par les Missions. Au fil des années, l’expérience aidant (et le financement par le Sénat de Berlin aussi), les VGL rendaient de mieux en mieux les services qu’on attendait d’elles.

 

            Parfaitement entretenues par un service auto aussi dévoué que compétent, mieux conduites par des équipages mieux formés, dédoublées pour chacune des six plaques d’immatriculation attribuées par les Accords, les VGL de la MMFL étaient devenues les auxiliaires précieux et irremplaçables des équipages, soucieux de ménager leur principal outil de travail et conscients de ce que le succès de la mission, et parfois leur vie, reposaient sur les capacités du véhicule qui les transportait. La sélection de la « G » avait été un bon choix.

 

par les généraux Jean-Paul Huet et Patrick Manificat



08/12/2018
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