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Mes « aventures » sur le site d’Athenstedt

Par Denis Bristiel

 

 

 

 

 

            MISSION MILITAIRE FRANCAISE DE LIAISON                                                                N° 013/T  /MMFL

         PRES LE HAUT COMMANDEMENT SOVIETIQUE                                    S.P. 69026, le 20 janvier 1988

                                EN ALLEMAGNE

 

 

Mes « aventures » sur le site d’Athenstedt 

 

 

 

Extraits de mon carnet « souvenirs » (à défaut de Cahier d’ordres !) :

Mission N° 013/T du 9 et 10 janvier 1989

Equipage : BIL/PLN/BNL

5 Films/1045km

Evénements marquants :

-          Déploiement de T 64 à Vinzelberg

-          Radar à ATHENSTEDT : Chaud ! Chaud !!!!

(Barrière enfoncée, poursuivi par un TATRA très agressif)

 

 

Ces éléments sont les seules traces écrites de cette mission ; les photos jointes ont été prises ultérieurement.

Ce petit récit me permet de rendre hommage aux 2 sous-officiers anciens qui m’accompagnaient ce jour-là et qui sont aujourd’hui décédés.

 

Je ne vais pas ici détailler le processus de préparation de nos missions, mais cette fois-là, il se trouve que nous étions tous les trois des « premiers séjours » à la MMFL, donc sans grande expérience …Le chef ops et les anciens nous avaient dit : « si vous êtes dans la zone vous pouvez aller jeter un œil au site d’Athenstedt ». Nous avions pris connaissance du dossier (accès, possibilité d’observation, difficultés).

 

 

Athenstedt 1.jpg

 

Panneau indicateur à l'entrée du village d'Athenstedt

 

 

Nous avions aussi entendu parler de certains incidents passés, et il apparaissait que peu d’équipages étaient volontaires pour aller vérifier les évolutions de ce site radar qui était important. Aucun d’entre nous n’avait connaissance de l’agression du chef de BRIXMIS qui avait eu lieu en 1982. Tout cela nous semblait exagéré et de l’ordre du mythe et donc nous étions bien décidés à aller nous rendre compte par nous-mêmes de la « sensibilité » de ce site.

 

Quelques précisions concernant mes équipiers du jour : BNL avait très peu d’expérience à la mission, mais sous-officier ancien il était comme moi passionné par notre travail et ce jour-là il occupait les fonctions de conducteur et cela nous fut salutaire…PLN, notre artilleur était lui aussi novice à la Mission mais d’un calme et d’une sérénité à toutes épreuves ce qui est absolument rassurant pour le jeune chef d’équipage que j’étais moi-même.

 

La mission se déroulait très convenablement : nous avions pu observer de nombreux T64 dans la région de VINZELBERG le premier jour et comme nous étions obligés de contourner la ZIP de Halberstadt/Quedlinburg, la décision fut prise unanimement d’aller voir le fameux site d’Athenstedt le matin du deuxième jour.

 

De mémoire il me semble qu’il n’y avait pour ainsi dire pas de point d’observation, mais seul le passage à découvert sur la route permettait l’observation et pour un meilleur rendu des photos il fallait le faire le matin (soleil à l’Est).

 

Nous savions aussi qu’il ne fallait pas aborder cet objectif en traversant le village, car dans ce cas on était sûrs de tomber dans une embuscade.

 

Nous nous étions bien assurés de ne pas avoir de suiveurs de la MFS à nos trousses.

Je n’ai plus la mémoire exacte de la topographie du lieu, mais nous avons abordé comme prévu l’objectif avec une certaine appréhension. Le conducteur BNL fit une courte pause en bord de route afin que je réalise quelques clichés au 500 mm, mais à peine étions-nous arrivés sur cette portion de route à découvert, que nous entendîmes des alarmes se déclencher (klaxon) et aussitôt un gros camion TATRA surgit du portail et descendit la petite route qui venait vers nous. Tout en accélérant nous sommes parvenus à passer l’intersection du petit chemin qui descendait de l’objectif, mais 50 mètres plus loin une barrière métallique avait été mise en place et un soldat alerté par les alarmes, la manœuvrait fébrilement. Heureusement dans sa précipitation il ne put faire retomber cette barrière dans son encoche en V  (voir photo)  et il n’arrivait plus à la soulever.

 

  La situation était délicate pour lui mais encore plus pour nous car moi je voyais par la vitre arrière de notre Mercedes la calandre du TATRA se rapprocher. La barrière était donc à moitié par terre, BNL, notre conducteur, avait considérablement ralenti et arrivait contre cet obstacle.

 

Athenstedt 2.jpg

 

Emplacement original de la barrière

 

 

Il me demande alors : « Qu’est-ce que l’on fait ? On fonce ?

Sans l’ombre d’une hésitation je lui réponds : on fonce ! »

Et donc à la grande surprise du brave soldat de la NVA on lui détruit gentiment sa barrière.

Après coup nous avons constaté en camouflant les traces que nous avons pu réaliser cela grâce au treuil qui se trouvait à l’avant de notre véhicule ; la barrière elle-même non retenue et sans doute en aluminium, a plié très facilement et nous avons pu forcer le passage sans choc violent.

Cette première « étape » passée, nous n’étions pas sortis d’affaire car le camion derrière nous était bien décidé à nous tamponner. L’itinéraire de notre fuite nous imposait de traverser le village et la dextérité de notre conducteur ainsi que la meilleure maniabilité de notre véhicule nous permit de nous échapper.

 

Quelques commentaires, surtout à destination des lecteurs qui ne sont  pas  du domaine du renseignement :

Pourquoi prendre tant de risques ?

De mémoire : nous savions que ce site appartenant à la chaine de surveillance basse altitude face à l’Ouest avait été modernisé. Il fallait donc le prouver matériellement. Parmi les quelques clichés pris à la volée en passant une des photos permit à nos analystes d’affirmer que le radar du type TIN SHIELD était bien une version modifiée donc améliorée. Seules les Missions pouvaient obtenir ce type de renseignement sur le terrain.

 

Tin Shield 3.JPG

 

Radar Tin Shield

 

 

L’anecdote ainsi racontée permet de faire savoir que loin des films d’action où les pseudo-espions pulvérisent de façon spectaculaire les barrières, d’humbles et modestes ouvriers du renseignement ont œuvré pendant la guerre froide pour apporter une petite pierre à la définition de la menace.

 

 

 

Ci-joint un lien qui permet de suivre une conférence du Major Général Peter WILLIAMS, ex de BRIXMIS sur les rapports entre la STASI et les missions.

Il est beaucoup question des incidents à ATHENSTEDT mais est aussi évoqué « l’accident » ADC MARIOTTI.

 

  https://www.youtube.com/watch?v=1jSm-CtjOig&t=60s

 



11/05/2023
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